PARTIE C : EFFETS DES EXPLOSIONS NUCLEAIRES

(Phénomènes accompagnant l'explosion d'une arme nucléaire)

 

Toute évaluation des effets d'une guerre nucléaire comporte un degré élevé d'incertitude. L'enseignement tiré des explosions d'Hiroshima et de Nagasaki, des essais d'armes nucléaires et des accidents survenus dans des centrales nucléaires, ainsi que de la recherche en physique des rayonnements et en radiobiologie et des séismes, incendies, inondations, éruptions volcaniques et autres catastrophes naturelles, permet néanmoins de prévoir, avec un degré raisonnable d'exactitude, les principaux effets qu'aurait l'utilisation d'armes nucléaires sur les populations et leur environnement. Ces effets ne se limiteraient pas aux populations des zones bombardées et certains seraient ressentis dans la plupart des pays du monde.

Certains de ces phénomènes ne sont pas encore parfaitement compris ; les progrès récents des techniques de modélisation sur ordinateur permettent toutefois maintenant de se faire une idée plus nette de ce qui pourrait se passer et des effets physiques et biologiques néfastes qu'une explosion nucléaire pourrait avoir, directement ou indirectement, sur la santé des êtres humains, ainsi que des graves dommages causés à l'environnement.

 

1.   Impulsion électromagnétique

L’impulsion électromagnétique est une onde radioélectrique extrêmement intense et de très courte durée. Les appareils sensibles à cette dernière sont les antennes, les câbles électriques, les fils téléphoniques, les rails de chemin de fer et même les avions. L'énergie captée est transmise aux ordinateurs ou aux autres dispositifs à transistors et à circuits intégrés qui commandent des systèmes d'une importance vitale, comme les télécommunications et la distribution d'eau et d'électricité. Tous sont extrêmement sensibles aux impulsions électromagnétiques et il est fort probable que les dommages causés à leurs composants seraient suffisants pour rendre ces systèmes inutilisables.

L'effet de l'impulsion électromagnétique dépend aussi de la hauteur de l'explosion. A faible altitude, sa portée est limitée à quelques dizaines de kilomètres, alors qu'à haute altitude, elle peut atteindre des milliers de kilomètres.

L'explosion d'une bombe à une altitude de 100 kilomètres, par exemple, produirait un effet électromagnétique sensible dans un rayon de 1100 kilomètres. Une explosion unique à 350 km d'altitude produirait une impulsion qui toucherait pratiquement la totalité de l'Europe ou des Etats-Unis, ainsi qu'une partie du Canada et du Mexique.

      L’impulsion électromagnétique ne serait pas directement dangereuse pour l 'homme, mais elle pourrait compromettre le fonctionnement des stimulateurs cardiaques et des autres appareils électroniques à usage médical et mettre, de ce fait, la vie de certains malades en danger.

La principale inquiétude vis à vis de cette onde réside dans le fait qu’elle bouleverserait les communications et compliquerait énormément les opérations de secours en coupant la liaison entre les sauveteurs et les équipes de secours. La désorganisation du système militaire de commandement, de contrôle, de communications et de renseignement, au moment même où des décisions vitales au sujet de l'emploi des armes nucléaires peuvent devoir être prises, risquerait d'amener à utiliser ces armes dans un réflexe de panique et de provoquer l'escalade du conflit, car l'information pourrait ne plus passer entre les divers gouvernements, ni entre les gouvernements et ceux à qui ils donnent des ordres ou entre les responsables du commandement des forces stratégiques.

L'interruption des réseaux de communications civils pourrait priver les populations d'électricité, de gaz et d'eau, couper les communications téléphoniques et empêcher le fonctionnement de nombreux autres services essentiels, y compris médicaux et chirurgicaux, qui sont tributaires d’un matériel électronique.

 

2.   Effets climatiques

On s'est beaucoup intéressé ces derniers temps aux effets climatiques que pourrait avoir un conflit nucléaire. Des millions de tonnes de particules provenant des cratères1 creusés par les explosions au sol et des incendies qui éclateraient dans les villes, les forêts et les entrepôts de combustibles se trouveraient lancées dans l'atmosphère. Une fraction appréciable de la lumière solaire ne pourrait plus atteindre la surface de la terre et se perdrait dans l'atmosphère, tandis que la densité de la couche nuageuse qui se formerait provoquerait une chute de température et réduirait la photosynthèse.

      L’ampleur de ce refroidissement est encore fort controversée, mais une chute de quelques degrés seulement pourrait être dommageable pour les récoltes futures et causer diverses perturbations de l'environnement ; même si elles n'allaient pas jusqu'à provoquer ce que l'on a appelé «l’hiver nucléaire», ces perturbations seraient beaucoup plus graves qu'on ne le pensait encore il y a quelques années et se traduiraient par une réduction de la photosynthèse et de la pluviosité à l'intérieur des continents, par suite de l'absorption d'une bonne partie de l'énergie solaire incidente dans la haute atmosphère. Selon les estimations actuelles, la fumée emportée vers les couches élevées de l'atmosphère lors d’une explosion pourrait y persister pendant un an ou davantage et provoquer un refroidissement de longue durée dans le monde entier ; elle ferait baisser la température des océans et aurait des effets écologiques qui prolongeraient et aggraveraient ceux des perturbations atmosphériques.

La libération dans l'atmosphère des substances chimiques provenant des explosions pourrait également avoir des effets climatiques. L’introduction d'oxydes d'azote dans la troposphère aurait pour effet d'y augmenter la production photochimique de radicaux libres et d'ozone. Si ces oxydes pénétraient dans la stratosphère à la suite de l'explosion de grosses bombes nucléaires, la couche d'ozone s'en trouverait amoindrie dans une mesure qui dépendrait du nombre de bombes employées et il pourrait falloir plusieurs années pour qu'elle se reconstitue. Si l'atmosphère était fortement perturbée par la fumée et les gaz émanant des incendies, des changements à long terme pourraient se produire dans la couche d'ozone. La diminution de cette couche permettrait aux rayons ultraviolets nocifs d'atteindre la surface de la terre. L'injection d'autres substances chimiques toxiques (oxyde de carbone, hydrocarbures, oxydes de soufre, acide chlorhydrique, métaux lourds) dans l'atmosphère pourrait, avant que ces substances ne se déposent ou ne s’éliminent, causer de grands dommages à l'homme et à de nombreux autres êtres vivants.

3.   Onde de choc 

Il s’agit en fait des effets de souffle. Ce sont ceux causés par l’onde de choc et les  violents vents qui l’accompagnent. Ces effets détruisent directement toutes les constructions ordinaires dans un vaste rayon autour du point d’impact. Dans le cas d’une bombe d’une mégatonne par exemple, dix secondes après l’explosion le front de choc a balayé un rayon de 3 kilomètres autour du point zéro (hypocentre).

Près de la moitié de l'énergie totale libérée dans une explosion nucléaire revêt la forme de cette onde de choc qui se propage dans l'air à vitesse supersonique.

Elle est due à la pression colossale qu'engendre la vaporisation des matériaux de la bombe. A mesure que cette onde de choc progresse, son intensité diminue jusqu'à dissipation effective de l'énergie. Les effets caractéristiques d'une bombe sur les édifices sont terrifiants.

Le corps humain peut supporter des pressions allant à peu près jusqu'au double de la pression atmosphérique (laquelle est environ de 100 kPa), mais la plupart des morts seraient dues aux effets indirects de l'explosion : ensevelissement sous un immeuble, chute de débris, projection contre un mur ou tout autre obstacle solide. C'est ainsi que des individus résisteraient sans être écrasés à une surpression de 35 kPa.

Mais c’est sans compter sur la violence terrible des vents, de deux à trois fois supérieurs à des vents cycloniques naturels. C’est ainsi qu’en dépit de la surpression, ils seraient tués par le vent accompagnant l'explosion qui soufflerait à 260 km à l'heure et qui les projetterait contre les objets environnants.

L'onde de choc pourrait également rompre les barrages ou les digues et provoquer des inondations catastrophiques.

4.   Onde thermique 

Ces effets sont immédiats et proviennent du rayonnement thermique de la boule de feu, constitué d’ondes électromagnétiques qui vont de l’ultraviolet à l’infrarouge dans la gamme des longueurs d’onde. Le rayonnement ultraviolet ne dure que quelques centièmes de seconde et est ensuite absorbé par l’air.

      Les rayons infrarouges et les rayons du spectre visible (ceux qui sont perçus par l’œil humain) sont émis de façon intense pendant les premières secondes qui suivent l’explosion. C’est à cause de la fantastique température atteinte par la boule de feu que ce type de rayonnement thermique se propage sur de très grandes distances.

      Ainsi l'onde ou éclair thermique contient environ le tiers de l'énergie totale libérée par la bombe atomique. L'onde thermique est émise à peu près instantanément, bien avant l'onde de choc et se propage à la vitesse de la lumière. Les hautes températures produites ont pour effet de vaporiser tout ce qui se trouve à une certaine distance, de faire fondre les matériaux solides au-delà de cette limite et, plus loin encore, de provoquer des incendies.

Entre autres conséquences catastrophiques, la bombe pourrait également déclencher une tempête de feu ou un incendie géant comme celui qui a fait rage à Hiroshima et qui a ravagé  Hambourg, Dresde et Tokyo pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la zone dévastée par la tempête de feu, les températures pourraient être si élevées que les personnes réfugiées dans des abris, même fortement protégées, risqueraient d'être tuées par la chaleur, par le manque d'oxygène ou par l'inhalation d'oxyde de carbone.

Il ne fait aucun doute qu'une multitude d'incendies seraient déclenchés directement par l'onde thermique et indirectement par l'onde de choc. Les nombreux foyers allumés par l'onde thermique se rejoindraient très probablement pour former des incendies géants qui pourraient s'étendre sur plus de dix kilomètres autour du lieu de l'explosion d'une bombe de 1 Mt. La colonne de gaz chauds produite par l'incendie créerait un appel d'air périphérique, donnant naissance à des vents de la force d'un ouragan qui attiseraient les flammes et provoqueraient une conflagration d'une force telle que rien n'y résisterait. Personne ne survivrait dans la zone ravagée pas même dans des abris souterrains.

L'hypothèse, admise depuis peu, selon laquelle un incendie géant ferait très probablement suite à l'explosion d'une arme nucléaire moderne a amené à réviser les estimations du nombre des victimes de l'onde de choc et de l'onde thermique. Dans le modèle dit de l'onde de choc ou de la surpression, la zone mortelle (c'est-à-dire le périmètre dans lequel le nombre des survivants est égal au nombre des tués à l'extérieur de cette zone), qui correspond à la zone touchée par l'onde de surpression engendrée par l'explosion d'une bombe de 1 Mt à la hauteur de 1,5 km, serait d'environ 100 km2. Dans le modèle de la conflagration, cette superficie serait d’environ 350 km2. Le nombre des personnes tuées par cet incendie pourrait être de trois à quatre fois supérieur à celui des victimes de l'onde de choc.

En dehors de la zone mortelle, on dénombrerait aussi de nombreux cas de brûlures. La plupart des brûlés seraient des personnes ayant été directement exposées à l'onde thermique, la gravité des brûlures dépendant de la distance par rapport au lieu de l'explosion et de la durée de l'exposition. D'autres cas de brûlures superficielles, moyennes ou graves seraient provoqués par les incendies qui ne manqueraient pas d'éclater.

      Lors des explosions d’Hiroshima et de Nagasaki, un grand nombre des victimes sont mortes des suites de brûlures graves dues à l’effet thermique.

5.   Rayonnement initial 

Ces effets font «l’originalité » des bombes atomiques ; ils représentent environ 10% de l’énergie totale libérée par l’explosion. Les rayonnements émis sont de plusieurs types (neutrons, rayonnement gamma, particules bêta et alpha). Les neutrons et une partie du rayonnement gamma sont simultanés de l’explosion ; les particules bêta et alpha, ainsi que le reste du rayonnement  gamma, sont émis un peu plus tard. Bien sûr, cet ensemble de phénomènes radioactifs est variable suivant les différents types de bombe.

On distingue deux périodes de rayonnement qui accompagnent la chronologie d’une explosion nucléaire. Il y a d’abord le rayonnement primaire qui se produit pendant la première minute de l’explosion. Puis vient le rayonnement secondaire.

Fait exception à cette règle l'arme à rayonnement renforcé, dite bombe à neutrons, dans laquelle la proportion de l'énergie véhiculée par les neutrons peut théoriquement atteindre 80%.

Le rayonnement initial ne contribuerait pas dans une large mesure au bilan global des victimes d'une bombe ayant une puissance supérieure à 100 kt, car la zone mortelle créée par l'effet de souffle et l'effet thermique est bien supérieure à celle qui résulte du rayonnement. Avec des bombes plus petites, notamment des bombes à neutrons, la zone mortelle où s'exercent les effets des neutrons et des rayons gamma est beaucoup plus étendue que celle de l'onde de choc et de l'onde thermique.

5.1  Le rayonnement primaire 

Ses effets sur l’homme sont fonction de la dose reçue et de la distance par rapport au point d’impact. (Cf. annexe  : Caractéristique des types de retombées)

5.2  Le rayonnement secondaire 

Ce deuxième type d’effets radioactifs est généralement considéré comme négligeable en raison de sa décroissance rapide dans les heures et les jours qui suivent l’explosion. Il est cependant responsable des effets à terme de l’arme nucléaire, en particulier sur l’environnement.

Les neutrons libérés par l’explosion rencontrent en premier les matériaux de la bombe, puis l’azote et l’oxygène de l’air, et enfin les matériaux et les différents éléments de la surface de la terre. Ces rencontres entraînent la formation de nouveaux éléments radioactifs. Le sodium devient du sodium 24 radioactif, le chlore du chlore 38 radioactif, …etc.

5.3  Retombées radioactives locales 

Lorsque la boule de feu touche le sol, d’énormes quantités de matériaux sont transformées en poussières et projetées dans l’atmosphère. Ces poussières sont alors contaminées ; elles sont rendues radioactives au contact des particules radioactives engendrées par l’explosion. Ces retombées sont aussi appelées «fall out ». Leur volume dépend là aussi de la puissance de la bombe et de la hauteur de l’explosion , mais surtout des conditions météo, de la vitesse et de la direction des vents.

Les produits radioactifs, compte tenu de la puissance de la bombe, sont déposés dans la zone située sous le vent et soumettent les habitants de certains endroits à des doses d'irradiation mortelles.

Les dépôts des premières vingt-quatre heures constituent les retombées locales et représentent environ la moitié de la radioactivité produite par l'explosion. L'autre moitié, composée de particules plus fines, s'élève dans l'atmosphère avec le champignon. Après l'éclatement au sol d'une bombe de 1 Mt, les personnes restées dehors pourraient être soumises à des doses d'irradiation mortelles dans un périmètre de près de 2000 km2 et à des doses dangereuses dans un périmètre d'environ 10 000 km2. . (Cf. annexe: Caractéristique des types de retombées)

 

5.4  Retombées radioactives mondiales et intermédiaires :

On croyait, jusqu'à ces derniers temps encore, que la radioactivité de bombes ne produisant pas de retombées locales se répandait dans la stratosphère et s'étendait au monde entier avant de retomber lentement sur le sol en l'espace de plusieurs mois ou de plusieurs années. Pendant cette période, la radioactivité était censée diminuer au point que le danger d'irradiation externe par exposition aux rayons gamma devenait insignifiant, le principal risque pour les êtres humains étant donc celui de l'ingestion ou de l'inhalation de radionucléides à longue période comme le strontium-90 et le césium-137.

En fait, cela n'est vrai que pour les grosses bombes de l'ordre de la mégatonne. La radioactivité produite par les bombes de plus faible puissance est, en grande partie, libérée dans la troposphère, beaucoup plus turbulente. Le pourcentage de radioactivité ainsi déposé augmente à mesure que la puissance de la bombe diminue ; c'est ainsi que 80% de la radioactivité d'une bombe de 100 kt dont l'explosion aurait lieu sous les hautes latitudes de l'hémisphère nord se déposeraient dans la troposphère. Les particules radioactives feraient alors plusieurs fois rapidement le tour de la terre à une latitude correspondant à celle de l'explosion, puis retomberaient au sol en l'espace de quelques semaines.

Ces retombées rapides ont une radioactivité beaucoup plus forte que celle des retombées mondiales et sont connues sous le nom de retombées intermédiaires.

Le phénomène des retombées intermédiaires est important, car la tendance, ces dernières années, a été de réduire la production des ogives. Il est important aussi parce qu'il montre que l'irradiation due aux retombées serait plus forte qu'on ne l'estimait jusqu'ici. Toutefois les retombées intermédiaires n'auraient des conséquences graves que si les conditions météorologiques favorisaient les concentrations locales de radioactivité (points chauds). A long terme, elles auraient pour effet d'augmenter l'incidence des cancers et des malformations génétiques.

5.5  Effets du rayonnement sur le corps humain :

L’effet des radiations n’entraîne pas d’affection spécifique. Il n’y a pas à proprement parler de « maladie de l’atome ». Les radiations agissent sur les cellules du corps humain en modifiant leur capacité à se diviser, donc à se reproduire. Le plus souvent, la cellule meurt. Lorsqu’un organisme est atteint par les radiations, il s’écoule plusieurs jours et quelques fois plusieurs semaines avant qu’une série de symptômes apparaissent. L’organisme peut résister à des doses faibles non répétées, mais l’effet des radiations est cumulatif. Les scientifiques américains ont établi une barre dite «DL501 » c'est-à-dire de la dose létale pour la moitié de la population dans les 60 jours suivant l'exposition. (Cf. annexe page 64 : Valeur de la DL50)


Il peut y avoir deux origines à l'irradiation : l'explosion de rayons gamma et de neutrons immédiatement produite par l'éclatement de la bombe et les retombées radioactives. Ce sont les rayons gamma qui sont les plus dangereux dans les retombées radioactives, mais les rayons bêtas, et même les particules alpha, peuvent contribuer à l'irradiation lorsque le matériel radioactif se dépose sur le corps ou est ingéré ou inhalé.

 


La victime présente à la fois des symptômes qui peuvent être à la fois gastro-intestinaux - anorexie, nausées, salivation, vomissements, crampes abdominales, diarrhée, déshydratation - et neuro-musculaires - fatigue, atonie ou apathie, sueurs, fièvre, maux de tête, hypotension et état de choc consécutif à l'hypotension.

En cas de forte irradiation, ces symptômes peuvent être tous présents, mais si la dose est plus faible, quelques-uns seulement peuvent faire leur apparition dans les 48 heures qui suivent l'exposition.

            La gravité des symptômes et leur apparition après l'irradiation du corps entier dépendent de la dose totale de rayonnement et du débit de dose. On admet qu'il existe trois syndromes cliniques de la toxicité du rayonnement.

-   Un syndrome qui concerne le système nerveux central en cas d’irradiation aiguë à une dose supérieure à 20 Gy. Dans un laps de temps allant de quelques minutes à une heure, le sujet est pris de maux de tête, auxquels succèdent très rapidement un état de somnolence, une apathie et une léthargie profondes, un tremblement généralisé et la perte de coordination musculaire ; il entre alors dans le coma, est pris de convulsions et meurt dans les 48 heures en état de choc. Il n'existe aucun traitement et la mort est inévitable.

-   Un syndrome gastro-intestinal en cas d'exposition aiguë à des doses de l'ordre de 5 à 20 Gy. Le tableau clinique est dominé par des nausées, des vomissements et des diarrhées hémorragiques, avec déshydratation sévère et forte fièvre. En l'espace d'une semaine ou deux, le sujet décède d'entérite, de septicémie, de toxémie ou de déséquilibre des liquides organiques.

 

-   Un syndrome hématopoïétique lorsque la dose ne dépasse pas 2 à 5 Gy. L'exposition est rapidement suivie par une période initiale de nausées et de vomissements qui dure environ 24 heures, à laquelle succède une semaine de latence pendant laquelle le sujet est apparemment normal.

 

Un malaise général accompagné de fièvre survient alors avec une forte diminution du nombre des globules blancs circulants. Des saignements au niveau des gencives ne tardent pas à faire leur apparition tandis que chute le nombre des plaquettes, et l'anémie s'installe par insuffisance médullaire et à la suite des pertes de sang causées par les hémorragies. Selon la dose reçue et le degré d'atteinte de la moelle osseuse, le sujet peut recouvrer la santé en l'espace de quelques semaines à plusieurs mois ou, au contraire, mourir d'hémorragie ou de septicémie par suppression de ses défenses immunitaires.

Pour une irradiation de l'ordre de 1 à 6 Gy (100 à 600 rads), la survie dépend largement des mesures thérapeutiques qui sont prises. Les sujets âgés sont plus vulnérables que les jeunes adultes.

Quand l’intoxication est due à des retombées de poussières radioactives, à cette série s’ajoutent des affections de la peau partout où le corps n’était pas protégé par un vêtement. Le danger des retombées radioactives augmente lorsque l’on tient compte des risques d’inhalation ou d’ingestion des substances radioactives. Les produits de fission présents dans les retombées sont des oxydes non solubles dans notre organisme ; certains isotopes vont donc se fixer sur certains organes, comme l’os ou le foie. Le strontium 90, en particulier, qui est produit en grande quantité dans une explosion atomique, reste radioactif pendant 28 ans. Ses propriétés sont proches de celles du calcium ; il se fixe sur les os et entraîne diverses affections : anémie, nécrose osseuse, leucémie, cancer. Un autre corps, le carbone 14, qui provient de la transmutation de l’azote de l’air sous l’effet des neutrons, est produit en quantité ; il est à l’origine d’affections aussi importantes que celles causées par le strontium 90 avec, en plus, très vraisemblablement, des conséquences génétiques graves.

L'estimation du nombre des victimes de l'irradiation dans une guerre nucléaire dépend des hypothèses adoptées concernant la valeur de DL50. Des études récentes donnent à penser qu'en temps de guerre, ce chiffre est nettement inférieur au chiffre de 4,5 à 6 Gy que suggéraient jusqu'ici des études faites sur l'animal et sur des cas d'irradiation thérapeutique ou accidentelle d'êtres humains en temps de paix. La révision à la baisse de la valeur de DL50 est motivée par de nouvelles études sur l'exposition au rayonnement des habitants d 'Hiroshima. Selon ces nouvelles estimations de DL50 le nombre des morts par irradiation dans une guerre nucléaire serait beaucoup plus grand qu'on ne le pensait jusqu'ici.

Le dépôt sur la peau de particules radioactives émettrices de rayons bêtas provoque des brûlures caractérisées par un érythème, de l’œdème  et des ulcérations. Les lésions sont d'ordinaire localisées et temporaires, mais elles peuvent aussi s'infecter et la gangrène peut faire son apparition, retardant la guérison.

Les tissus les plus radiosensibles dans l'organisme sont ceux dont les cellules se renouvellent rapidement, comme la moelle osseuse, le tractus gastro-intestinal et les gonades. L'irradiation des organes de reproduction peut être cause de stérilité, temporaire ou permanente. L'exposition du fœtus entre les huitième et quinzième semaines de la grossesse risque également d'entraîner une arriération mentale grave.

Les produits radioactifs de la bombe peuvent être inhalés avec l'air ou ingérés avec les aliments ou l'eau contaminés, ils peuvent être cause d'insuffisance thyroïdienne et de cancer. Une fois absorbés par l'organisme, ces radionucléides ne s'en éliminent que lentement .

L'exposition à des doses sublétales de rayonnement peut également altérer la réponse immunitaire. Privés de leurs défenses, des sujets qui auraient pu guérir finissent par mourir. Outre les rayonnements ionisants, les traumatismes physiques, les brûlures ou l'infection, la malnutrition et le stress contribuent à affaiblir la réponse immunitaire et leur action conjuguée peut beaucoup intensifier l'effet des rayonnements. Dans le contexte d'une guerre nucléaire, l'altération des défenses immunitaires peut favoriser la propagation d’épidémies d'une ampleur sans précédent.

 L'étendue des dommages causés par une bombe nucléaire ne dépend pas seulement du type et de la taille de la bombe utilisée, mais aussi de l'altitude à laquelle on la fait exploser, des conditions atmosphériques, du moment de l'explosion et d'autres variables encore. Pour une bombe d'une puissance donnée, la portée de l'onde de choc et le nombre de blessés et de tués seront fonction de l'altitude à laquelle aura lieu l'explosion.

 

Mais toutes ces évaluations dépendent aussi de la hauteur de l'éclatement. Si la boule de feu, dont la taille dépend de la puissance explosive de la bombe, entre en contact avec le sol, d’énormes quantités de terre et de débris sont aspirées et se mêlent aux produits radioactifs. Lorsque la boule de feu se refroidit, la radioactivité se concentre sur les particules aspirées dont les plus grosses, sous l'effet de la gravité, retombent les premières, les plus légères pouvant aller se déposer loin du lieu de l'explosion, selon la direction prise par le vent.

Il y aura des retombées locales si une bombe d'une puissance de 1 Mt explose à une altitude ne dépassant pas 860 mètres environ. Quant à l'onde de choc, elle aura un effet maximal à une hauteur de l'ordre de 3 200 mètres. On voit dès lors que les conditions dans lesquelles l'effet de souffle et les retombées locales provoquent un maximum de victimes sont très différentes. Le volume effectif des retombées dépend des conditions atmosphériques locales, de la vitesse du vent par exemple.

Pour une même puissance explosive globale, l'effet est toutefois plus destructeur si l'on emploie plusieurs bombes. C'est ainsi que cinq bombes de 1Mt chacune auront un effet de souffle supérieur à celui d'une seule bombe de 10 Mt.

En revanche, les retombées locales sont directement proportionnelles à la puissance explosive de la bombe, toutes choses étant égales par ailleurs. Ainsi, pour une intensité donnée de retombées, la zone touchée par les retombées d'une bombe de 10 Mt est environ dix fois plus étendue que s'il s'agissait d'une bombe de 1 Mt. S'agissant des retombées intermédiaires et mondiales, la situation est plus compliquée encore. Avec des engins de forte puissance, les particules radioactives sont propulsées dans la stratosphère d'où elles ne redescendent que lentement, laissant ainsi le temps à la radioactivité de se dissiper avant d'atteindre le sol. Lorsque les bombes sont plus petites, les particules sont libérées dans la troposphère d'où elles descendent beaucoup plus rapidement, si bien qu'à court terme, le dépôt de matières radioactives au sol est plus important.

 

Si l’on envisage l’hypothèse d’un conflit atomique entraînant une série d’explosions, tout les effets connus des retombées constitueraient à terme un danger pour l’espèce en raison des conséquences génétiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



1  Prenons pour exemple Los Alamos dont la photo est donnée page suivante ; il s’agit du point zéro après l’explosion de la toute première bombe A. Autour, sur un rayon d’environ 800 mètres, le sol s’est affaissé d’un mètre

1 C’est une valeur statistique qui correspond à une dose mortelle dans 50% des cas.