PARTIE B : MECANISME ET EXPLOSION

 

 1.    Little Boy

            Ce fut la première bombe à Uranium 235 (U235). Elle mesurait 3.5 mètres de long pour un poids avoisinant les 5 tonnes. Elle fut larguée par un B.29 « Enola Gay » à une altitude de 11 000 mètres le 6 août 1945 sur Hiroshima1.

A 8 h 15’, la soute du bombardier fut automatiquement déverrouillée et le volumineux cylindre qui l’occupait plongea, happé par le vide.

Dans le silence du ciel à peine troublé par le sifflement du vent, de subtils organes électromagnétiques commencèrent à remplir leur fonction.

Un système de minuterie (non représenté sur le schéma) mit hors circuit la commande des détonateurs : interdiction de fonctionner avant quinze secondes, sécurité oblige.

Parallèlement, un second dispositif muni d’un altimètre aérien empêchait le fonctionnement de l’engin au-dessus de trois mille mètres d’altitude, efficacité oblige. Cet altimètre aérien est ordinaire. Il utilise un système muni d’un baromètre qui mesure les différences de pression de l’air à différentes altitudes. Cependant un changement de pression due au climat peut influer sur les performances de l’altimètre ; il sera donc utilisé un altimètre radar ou radio afin d’améliorer la précision lors de l’approche de l’altitude désirée.

Il s’écoula 43 secondes puis, à 600 mètres du sol, c’est l’engrenage qui se met en route…

C’est alors que le détonateur à pression d’air rentre en action. Il s’agit d’un mécanisme assez complexe au fonctionnement simple. A des hautes altitudes, l’air est à basses pressions. Lorsque l’altitude diminue, la pression baisse. Une simple pièce de métal fin magnétique peut être utilisé en tant que détonateur à pression. Cette pièce est placée directement en dessous du contact électrique qui doit actionner la détonation. Une fois que la pression d’air a achevé de décliner, la bulle magnétique va revenir dans sa position originale et heurtera le contact et ainsi fermera le circuit relié la tête de détonation.

Cette dernière est placée dans les charges explosives conventionnelles et ressemble à un détonateur traditionnel. Mais elle va servir à déclencher une explosion nettement plus importante. Le calibrage de cet appareil est essentiel. Si la tête de détonation est trop petite la bombe n’éclatera pas et elle serait alors doublement dangereuse car quelqu’un pourrait la désarmer et recharger la bombe avec un autre détonateur. La tête de détonation ainsi placée et calibrée recevra l’impulsion électrique provenant du détonateur à pression d’air.

Cette impulsion déclenchera l’explosion des charges (en jaune) qui engendrera le processus dit du tir au  canon : deux masses subcritiques d’uranium (en rouge) sont violemment réunies par la mise à feu des charges classiques (en jaune) qui tire la première masse sur la deuxième masse cible.

La collision doit être suffisamment violente pour que la masse critique ainsi créée soit la plus compacte au moment où commence l’explosion de part la réaction en chaîne décrite précédemment.

Le tout est entouré de matériaux réfléchissants. Ce sont des déflecteurs à neutrons. Ils contiennent uniquement de l’uranium 238 (U.238). Ce n’est pas seulement parce que l’uranium 238 ne se met pas en fusion mais c’est aussi car c’est le seul élément capable efficacement de réfléchir tous les neutrons vers la source d’émission. Le déflecteur U238 sert ainsi à retenir et répartir les neutrons à l’intérieur de l’enceinte.

Le bouclier de plomb est juste là afin de prévenir d’une éventuelle radioactivité inhérente de la bombe et qui pourrait interférer avec d’autres mécanismes de cette dernière.

Quant aux coupe-circuits, ils sont là afin de renforcer la sécurité, pour prévenir une détonation accidentelle des charges explosives et de la tête nucléaire. Ces coupe-circuits se situent près du nez de la bombe ainsi ils peuvent être installés facilement lorsque la bombe est prête à être lancée. (ils ne doivent d’ailleurs être installés que peu de temps avant le lancement)

 

2.    Fat man 

            Certains prétendent que malgré Hiroshima, les généraux japonais envisageaient de poursuivre la guerre. D’autres, qu’il en fallait une deuxième pour que l’URSS comprenne la supériorité militaire américaine ; d’autres encore, que cette bombe permettait d’expérimenter un combustible différent, le plutonium. Quelles que soient les explications ou les raisons fournies, le 9 août 1945, Nagasaki essuie la deuxième édition de la bombe.

Cette deuxième bombe fut larguée à nouveau sur la ville par un B.29 appelé « Bock’s car ». Pour cette deuxième bombe au plutonium, on pensa d’abord utiliser la même méthode que pour l’uranium (avec Little Boy), mais il s’avéra (à cause de certaines de ses particularités) qu’on n’arriverait pas à former assez rapidement une masse sur–critique de plutonium sans explosion partielle prématurée. Il fallut donc recourir à une autre méthode, celle de la bombe à implosion.

Le principe de lancement et d’armement sont sensiblement les mêmes que pour ceux de Little Boy et ne seront donc pas repris. Seuls, en fait, la mise à feu et l’explosion en elles-mêmes changent….

C’est donc une bombe au plutonium dont la  méthode repose sur l'utilisation de deux hémisphères de matière fissile (du plutonium 239 [Pu-239]) placés à une certaine distance du centre d'une sphère de 1,35 mètres de diamètre. Tout autour de la matière fissile se trouve un assemblage  sphérique complexe de charges explosives reliées au détonateur à pression d’air. Ces puissants explosifs classiques (en jaune) sont profilés pour créer une onde de chocs sphérique qui dirige le souffle de l’explosion vers l’intérieur. Quand la bombe est amorcée, les charges explosives projettent les deux hémisphères l'un contre l'autre et les maintiennent en contact au centre du système. L’explosion de ces charges provoque donc la compression des masses de plutonium qui étaient en masse subcritique. Sous l’effet de la pression ces dernières se regroupent pour parvenir à la masse critique. Tout au long de la réaction elles resteront entourées d’une enveloppe d’uranium 238 (en rouge) qui amplifie la réaction.

Pour être doublement sûr qu'il n'y aurait pas de retard dans l'émission de neutrons, un initiateur fut placé entre les deux hémisphères. Il était composé de polonium et de béryllium, deux éléments qui émettent spontanément des neutrons quand ils sont associés. Et c’est à nouveau l’explosion….

 

3.    Formation du champignon atomique 

 

Heure H :

            La bombe libère immédiatement une formidable quantité d’énergie dans un volume très réduit. Cette libération d’énergie vaporise la tête nucléaire qui devient alors une énorme boule de feu en expansion. En une seconde, la température atteint dix millions de degrés. Il se crée aussi un violent éclair qui rend aveugle (au moins temporairement) jusqu’à plusieurs kilomètres à la ronde ceux qui regardent dans sa direction. C’est l’énergie thermique qui est emportée, dans un flash de lumière blanche, par des rayons X qui transforme l’air en boule de feu. Cette boule de feu précède tous les autres phénomènes ; elle progresse à la vitesse de la lumière.

 

Heure H + 0.015 seconde :

            Au point d’impact de la bombe, la température est telle que l’air se trouve comprimé au point de former une masse dure et mobile. C’est l’onde de choc primaire ; elle se déplace à une vitesse supersonique (V > Vson = 340 m.s-1)  à partir du point d’impact.

 

Heure H + 0.050 seconde :

            La boule de feu se développe en une énorme masse incandescente et radioactive ; l’onde de choc primaire a atteint le sol et se trouve réfléchie. La surpression de l’air est alors telle que l’on peut parler d’une véritable muraille d’air comprimé en déplacement.

 

Heure H +2 secondes :

Deux secondes après l’explosion, la boule de feu est encore en expansion ; elle émet un rayonnement très intense. Le front de l’onde de choc se déplace en créant un fort courant de convection [des vents d’une grande violence (300 à 400 km/h), un peu comme une grosse vague à la surface de l’océan] qui dégage des rayons calorifiques et qui forment un nuage. Une grande partie de l’énergie nucléaire a déjà été libérée et l’incandescence de la boule de feu commence peu à peu à diminuer. Elle s’élève alors dans l’atmosphère, ainsi que l’air qui a été brutalement surchauffé par l’explosion, formant une colonne ascendante qui entraîne tous les débris de l’explosion. C’est le fameux Champignon.

 

Heure H + 10 secondes :

            Le front de choc se déplace toujours, cependant qu’autour du point d’impact se créent des vents ascendants qui emportent avec eux poussières et débris arrachés au sol.

 

Heure H + 15 secondes :

            Les résidus brûlants de la boule de feu sont entraînés en hauteur ; la vitesse des vents ascendants peut atteindre 400 km/h. Les produits de fission issus de la bombe et les autres résidus se condensent en altitude et forment un nuage de particules radioactives.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



1 La ville d’Hiroshima avait été exceptionnellement épargnée par les bombardements américains sur le Japon. On prétendait même que le président Truman en avait décidé ainsi parce que beaucoup de Japonais, installés aux Etats-Unis étaient originaires de cette ville… ?