Après avoir consacré une semaine ou presque au cochon, je peux maintenant continuer la construction de la « fourniar ». Je n’ai pas changé d’avis sur le mode de liaison entre le muret et les rondins ; je fixe le fer en « T » sur le muret et suis maintenant prêt pour commencer mes murs en rondins !
Une telle construction s’appelle une fuste. Le principe consiste à bâtir les murs à l’aide de rondins bruts ajustés les uns sur les autres de façon à construire des murs étanches et solides. Il existe plusieurs techniques de construction : à entailles de coins, pièce en pièce (poteaux/poutres), en queues d’aronde, etc…
Comme je vais encore découvrir un nouveau métier, je décide d’utiliser la technique « pièce en pièce », qui me semble être la moins compliquée, et celle qui s’adaptera le mieux à l’essence de bois que je vais utiliser. En effet, les fustes se réalisent en général avec des rondins de bois résineux (mélèze, douglas ou pin), qui donnent des rondins droits et à peu près réguliers. Mais dans le principe général que je me suis fixé, à savoir utiliser au maximum les matériaux locaux, je choisis des rondins de châtaignier (que j’ai pris soin d’abattre l’hiver dernier). Comme pour la charpente du four, ce bois provient du taillis familial de la Brouillade. L’inconvénient, c’est que ces rondins ne sont ni droits, ni réguliers ! D’où l’avantage de la technique « pièce en pièce » qui permet d’employer des bois plus courts.
La première tâche à mener, c’est d’écorcer les rondins. Pour cela, je dois acheter de l’outillage : une sapie pour faciliter la manutention et un écorçoir. Ce travail n’est pas trop compliqué.
Ensuite je dois commencer à préparer les poteaux. Dans chacun d’eux, je taille les rainures qui recevront les poutres (rondins horizontaux). Nouvel achat de matériel : un compas-trusquin traceur à double niveau et différents ciseaux à bois.
Premier poteau… Je trace la rainure, l’ébauche à la tronçonneuse et la finis au ciseau à bois. Thierry, de passage à l’heure de l’apéro, m’aide à le mettre en place. Le résultat est convenable et le lendemain matin, je fais en sorte que le deuxième poteau soit terminé à l’heure de l’apéro… Car cette fois-ci, je sais que Fred doit venir et c’est lui qui va m’aider à le positionner !
Je peux maintenant commencer la pose des rondins horizontaux (poutres). Je coupe à longueur, taille les tenons devant permettre l’ajustement avec la rainure des poteaux.
Je positionne le premier rondin sur le muret. Assez facile : le muret est rectiligne. Je pose le second qui vient en appui sur le premier. Entre les deux rondins, il y a un important jeu provenant du profil irrégulier de chaque rondin qui, je le rappelle sont bruts (uniquement écorcés). J’utilise le trusquin pour reproduire le profil du rondin inférieur sur le rondin supérieur. A la tronçonneuse, je creuse une gorge suivant le tracé ainsi réalisé. Je redépose le rondin supérieur à sa place… et suis assez surpris du résultat ! L’ajustement est parfait, aucun jeu ne subsiste entre les deux rondins !
Encore une fois, je suis en admiration devant l’inventeur de ce trusquin qui m’a permis de réaliser cet ajustement. Seul point négatif, l’association qui commercialise ce produit est assez avare d’explications. Ce produit est livré sans notice explicative, contrairement à ce qui se fait en général. Il est vrai que cette association organise des stages de formation. Ceci explique peut-être cela…
Après avoir mis en place ces deux premiers rondins pour tester ma méthode de travail, je constate assez rapidement, que tout seul, je suis en difficulté dans la manutention de ces rondins. Il me faut trouver des bras. Cette fois c’est Maurice, en retraite depuis peu, qui se porte volontaire.
Avec son aide, le travail devient beaucoup plus facile. Lorsque je suis tout seul, je prépare les poteaux et écorce les rondins. Les jours où Maurice est présent, nous nous consacrons à la mise en place des derniers poteaux et à la taille des rondins. Rondins qu’il faut présenter, tracer, puis enlever pour tailler la jonction avec le rondin inférieur et la gorge qui recevra la laine de mouton en guise d’isolant.
Pourquoi la laine de mouton qui est plus chère que la traditionnelle laine de verre et qu’il faut aller chercher à Saint-Pierre-Roche dans le département voisin du Puy-de-Dôme? Tout simplement pour poursuivre ma logique d’utilisation de produits locaux et naturels.
Lorsque nous arrivons au niveau inférieur des futures sablières, il faut tout démonter pour mettre en place la laine de mouton. Nouveau renfort en la personne de Robert, et avec son aide, nous démontons ces murs en ayant pris soin de tout repérer. Puis nous les remontons en prenant bien soin de boucher tous les intervalles avec cette laine.
Inutile de préciser que lors de ces dures journées de travail, Françoise nous prépare de copieux repas bien mérités !
Arrivé aux sablières, j’adopte le principe « tenon/mortaise » pour assembler poteaux et sablières.
Après avoir tout préparé, je sollicite Sylvain pour la mise en place. Il accepte sans hésiter et un soir, après sa journée de travail, il nous rejoint avec son camion-grue. Bonheur : pas d’erreur dans la taille, la mise en place est rapide ! Comme il nous reste du temps avant l’apéro, nous profitons de Sylvain et de sa grue pour présenter le tirant cintré, qui servira de pied de support au faîtage. Nous traçons, taillons et fixons ce tirant. La journée se termine autour d’une bonne table en attendant la prochaine journée de travail de l’équipe…
Mais pourquoi donc ce tirant est-il cintré ? Puisqu’il va se trouver contre la cheminée, un tirant droit aurait caché la clef de l’ancienne voûte du four de Chauvignac et la partie supérieure du linteau de la cheminée. Ce que je refusais, bien évidemment. Il me fallait trouver un arbre cintré… Ce à quoi je suis parvenu après deux jours de recherche ! C’est un chêne provenant d’un taillis que je possède à Paillol (lieu-dit situé aux portes du bourg d’Allassac).
Quant aux sablières, ce sont des troncs de mélèzes que m’a fournis l’entreprise GILIBERT. En effet pour ces sablières, il me fallait des rondins rectilignes, d’une longueur de six mètres : impossible de trouver de telles géométries dans le châtaignier ! Mais ce mélèze provient de Haute-Corrèze, alors je suis à peu près dans mes cordes…
Sur mon tirant cintré, il me faut imaginer la structure de la ferme contre la cheminée. Que dit le dictionnaire au sujet de la « ferme » : « Assemblage de pièces de bois ou de métal, destiné à supporter les pannes et le faîtage entre deux murs ».
Pour la réaliser, j’utilise à nouveau la méthode « tenon/mortaise », avec chevilles en acacia.
Tout en tapant sur le manche du ciseau à bois avec mon maillet, mon cerveau auquel je demande rien durant cette tâche mécanique, fait un bon de trente-cinq ans en arrière… Et me voilà, âgé d’une grosse vingtaine d’années, au même endroit, en train de faire la même chose sous les conseils avisés de « Ricou » (non, non, pas le jockey Cravache d’Or, mais un menuisier-charpentier local). En effet, lors de la construction de notre maison, sur les conseils avisés de mon père, nous avions confié la réalisation de la charpente à cet homme, qui était un de ses amis. Mon père et lui s’étaient connus sur les bancs de l’école de Perpezac-le-Noir, s’étaient engagés tous les deux dans la Résistance pendant la guerre de 1939/1945 (plus précisément dans les FTP (Francs Tireurs Partisans)), avaient combattus ensemble (d’ailleurs, un jour, lors d’une embuscade, l’un avait sauvé la vie de l’autre au péril de la sienne). A la fin de la guerre, chacun s’était marié avec une fille de Saint-Pardoux-l’Ortigier. Ils ont alors vécu toute leur vie dans cette commune, sans oublier de militer assidûment tous deux au Parti Communiste Français jusqu’à leur mort… en ayant malheureusement conscience que les idées de justice sociale qu’ils avaient défendues ne survivraient certainement pas à leur génération…
Mon père participait lui aussi à la « taille » de la charpente. Tout en oeuvrant, Ricou et lui se remémoraient les évènements marquants de leurs vies ou encore commentaient, de leurs propos et esprits pas trop ouverts à la contestation, il faut bien le reconnaître, la conjoncture de l’époque… Moi, je me contentais alors de les écouter. En revanche, pour ce qui était de donner des conseils relatifs à son métier, Ricou était loin d’être avare de propos éclairés ! Et c’est d’ailleurs grâce à ses enseignements que j’arrive aujourd’hui, tant bien que mal peut-être, à élaborer et assembler une ferme.
Depuis bientôt deux ans, je passe tout mon temps libre à bichonner mon four et, avec toute ma passion, à redonner une fonction à cet élément de notre petit patrimoine bâti Corrézien… Mais voilà : à replonger dans le passé de mes aïeux, j’ai oublié que nous sommes aujourd’hui au XXIème siècle et non plus au XIXème ! Les mœurs ont bien changé… De nos jours, on ne regarde plus chez son voisin pour s’intéresser à ce qu’il fait ou pour voir s’il a besoin d’aide. Non, aujourd’hui on préfère parfois mettre tout en oeuvre pour lui créer des embûches, lui trouver une petite faiblesse, histoire de lui appuyer sur la tête ! C’est ainsi que, sur dénonciation plus ou moins malveillante, j’ai reçu une lettre recommandée signée du premier magistrat de la commune me demandant « de stopper immédiatement les travaux ». C’est vrai, porté que j’étais par mon enthousiasme de redonner un peu de vie à mes racines, je n’ai pas pris soin de demander un permis de construire.
N’ayant pas trop le choix, Franck m’aide à élaborer le dossier technique et Françoise s’occupe des relations avec les autorités de la commune.
Quant à moi, je continue à tailler la charpente, à préparer les ardoises en attendant la réponse, réponse que j’espère favorable à ma demande, sinon, plus que jamais, mon four aura bien porté le qualificatif de « vagabond ». A celui-ci il faudra alors ajouté celui d’ « éphémère », ce qui ne correspond plus du tout à sa fonction pérenne originelle !
Mon chantier étant sérieusement ralenti, et comme nous sommes au début du mois de mai, je peux me consacrer aux premières récoltes de la saison : petits pois, cerises et fraises (que je cultive bien sûr sans engrais, insecticides ni pesticides). C’est un peu tôt ? Non, car le Boico se situe sur un versant exposé plein sud à moins de 200 mètres d’altitude. On peut donc récolter les premiers fruits et légumes très tôt dans la saison.
C’est d’ailleurs pour cette raison que, jusqu’au milieu du XXème siècle, pour les paysans du coin, la culture et la récolte des petits pois représentaient certes une charge de travail importante, mais aussi et surtout un revenu non négligeable !
Les cerises et les fraises étaient surtout cultivées en vue de la réalisation d’excellents desserts.
Les fraises étaient consommées immédiatement. Tous les enfants de paysans de ma génération, dont je fais bien entendu partie, se souviennent du fameux bol de fraises au vin, que nous dégustions pour faire « quatre heures » à la saison des foins.
Les cerises, elles, avaient deux usages. Tout d’abord la consommation immédiate, natures ou dans l’inévitable clafoutis. Ensuite, le reste de la récolte était mis en conserve pour pouvoir être utilisé l’hiver.
Mes petits pois et mes fraises sont issus de variétés que j’ai pu trouver dans le commerce, En revanche, je cueille les cerises sur des cerisiers que j’ai pris soin de greffer il y a une quinzaine d’années. Malheureusement, je n’ai plus qu’une seule variété ancienne : la Reine Hortense.
Cette année, la récolte de cerises est exceptionnelle en quantité et en qualité. Mamie Léonie est donc mise à contribution pour nous confectionner chaque semaine ses « fameux clafoutis » (que je fais évidemment cuire dans le four, tant qu’il est encore sur pieds !). Pendant ce temps, Anaïs a repris l’entraînement dans son sport favori : le cracher de noyaux, sport que nous pratiquons ensemble et pour lequel je la coache depuis une dizaine de printemps !
Mes petits ennuis avec l’administration locale ne m’empêchent heureusement pas d’utiliser le four, ainsi que de lui trouver une nouvelle fonction : celle de séchoir à chaussures après le balisage de la marche Jacques Deschamps à Vigeois, balisage que j’ai effectué avec Maurice, sous un gros orage.
Cette marche porte le nom de mon beau-frère dont le décès, survenu alors qu’il était trop jeune, a laissé un grand vide au Boico. Il y a fort à parier que s’il était encore là, il m’assisterait avec efficacité et bonheur aussi bien dans mes travaux qu’à chaque fournée et ne serait pas le dernier à « casser la croûte » du pain frais…
D’après la loi, l’administration a deux mois pour se prononcer sur ma demande de permis de construire.
Mais deux mois d’attente… c’est long ! Je ne peux pas résister longtemps et reprends malgré tout la mise en place de ma charpente. Toujours avec l’aide de Maurice, nous réalisons le pignon qui va servir de support au faîtage et aux deux pannes.
Ceci étant fait, je réunis à nouveau Maurice (encore !), Robert ainsi que Sylvain et son camion-grue pour la mise en place de la charpente, constituée des mêmes matériaux que les sablières. La tâche s’avère très délicate et ce soir-là, la visite de François, le patron de la scierie d’en face (et père de Sylvain), nous est très bénéfique. Dès son arrivée sur le chantier (chantier hors-la-loi donc), il voit très vite que nous avons des problèmes, problèmes auxquels son esprit avisé a vite fait de trouver des solutions Nous appliquons la méthode qu’il nous dicte et terminons la mise en place de cette charpente de façon satisfaisante. Encore une fois, merci François.
Il est de tradition, lorsque une charpente est installée, de la décorer avec un bouquet de fleurs, voire même du drapeau tricolore. Moi, je reste sobre et évite au maximum de me faire remarquer… Quoique, un camion avec sa grue…
La charpente en place, je comble, toujours avec des rondins de châtaignier, les espaces sablière/panne et panne/faîtage existants dans le pignon et commence à poser les chevrons.
Mais je me fatigue très vite. Sans cesse, il me faut en effet monter prendre les mesures sur la charpente, descendre couper le chevron, remonter le mettre en place… Et ceci à chaque chevron ! Encore une fois, je m’aperçois vite que je n’adopte pas la bonne méthode. La preuve : en coupant un chevron, j’ai oublié l’index gauche sous la lame de ma scie circulaire. Résultat, une expédition aux urgences de l’hôpital de Brive pour quelques points de suture… Ce qui vérifie au passage que, sur un chantier hors la loi, il n’y a pas de règles de sécurité, et qu’il est donc facile d’y avoir un accident !
Fort de ces constats, je vais essayer de bien préparer la pose des chevrons et je formerai à nouveau une équipe de bâtisseurs, ce qui me permettra d’aller beaucoup plus vite, avec moins d’efforts et moins de risques ! Si d’ici là, j’obtiens une réponse favorable à ma demande de permis, nous pourrons repenser au bouquet ou au drapeau…
Cette tradition n’a plus beaucoup cours de nos jours (plus le temps… productivité, quand tu nous tiens), et pourtant, elle correspondait à un moment important pour les ouvriers du XIXème siècle. Quand le dernier coup de ciseau était donné sur la charpente, ils se cotisaient ou allaient cueillir un grand bouquet de branchages qu’ils ornaient de fleurs et de rubans. L’un des ouvriers montaient l’accrocher au faîtage afin d’annoncer fièrement à tous que le gros œuvre était terminé et ce, sans incident ni accident. Ceci déclenchait le plus souvent de joyeux vivats ! Puis avec un nouveau bouquet, les ouvriers se rendaient auprès du propriétaire de la future maison, et obtenaient, en échange de la brassée de fleurs, quelques pièces qui leur permettaient, le soir venu, d’oublier la fatigue de leur dur labeur en profitant gaiement du bistrot du coin. Dans certaines régions, on fixe même sur la charpente fraîchement terminée un petit arbre (choisi selon des critères bien précis), gage de fécondité dans le futur foyer. Il semblerait en outre que ce soit cette coutume qui ait donné naissance aux épis de faîtage…
Personnellement, et à mon âge, je remplace le gage de fécondité par celui de fraternité, ce qui correspond plus à une des principales fonctions de mon four : réunir le plus souvent possible famille et amis…
Un mois et demi après la réception de la fameuse lettre recommandée, signée de Monsieur le Maire, me sommant de stopper les travaux, je reçois une nouvelle lettre recommandée, signée cette fois-ci d’un adjoint, me signifiant l’acceptation de mon permis de construire.
A noter au passage que, lorsqu’il faut sanctionner, on fait signer le Maire ; lorsqu’on a une bonne nouvelle à annoncer, l’adjoint suffit…
Entre temps, j’ai fait « profil bas » en essayant de me justifier et en décrivant précisément mon projet, ce qui m’a fait rédiger ces deux lettres.
« à Monsieur le Maire d’ALLASSAC
Conseiller Général
Allassac, le 23 Avril 2011
Objet : Votre courrier recommandé référence : GF/FB/11-143
Monsieur Le Maire
Nous avons pris bonne note de votre courrier et avons contacté dès réception vos services techniques. Nous nous sommes engagés auprès de ces services à déposer dans les plus brefs délais une demande de permis de construire pour les travaux concernés.
Nous nous permettons de porter à votre connaissance que le numéro AT 52, mentionné dans votre courrier, ne doit pas être un numéro de parcelle mais le numéro d’une cabane existant sur la parcelle numéro AT 53. En annexe, vous trouverez une copie du plan cadastral du quartier datant de 1976, sur lequel apparaissent d’autres numéros (54, 57, 59) qui, à l’époque, désignaient des cabanes aujourd’hui détruites.
Cette cabane (AT 52) avec murs en pierres, couverte en ardoises, sans entretien, n’a pas résisté à l’usure du temps et n’était aujourd’hui qu’un tas de cailloux envahi par la végétation.
Avant son effondrement, elle était constituée de deux étages. Au rez-de-chaussée, une pièce unique avec un grand « cantou », et à l’étage une autre pièce avec fenêtre en « chien assis ».
Au lieu de nettoyer cet emplacement, nous avons décidé, de récupérer le maximum de matériaux, de garder le chêne (arbre emblématique au Bois Communal) qui avait poussé à côté des ruines et de construire à la place un four à pain et son abri.
Ce four à pain FAMILIAL est une copie conforme des fours que l’on peut trouver dans certains villages de la commune, aussi bien par ses dimensions que par les matériaux utilisés.
Sur cet emplacement se trouve aussi un puits avec murs en pierres, mais avec une couverture en attente de réfection à l’identique (toit rond en ardoises d’Allassac).
Ce remplacement de la cabane en four à pain à côté du puits sur un espace réduit a pour but de regrouper deux éléments de notre petit patrimoine Corrézien qui étaient jadis indispensables à nos ancêtres. En effet ces deux unités symboliques amenaient tous les jours l’eau et le pain sur la table.
En prenant cette décision sans trop nous soucier du côté administratif il est vrai, nous ne pensions pas causer de soucis à l’administration communale.
En espérant que notre projet pourra aboutir, veuillez agréer, Monsieur Le Maire et Conseiller Général, nos salutations distinguées. »
« Projet de construction d’un four à pain avec abri
Objectif :
Construire un four à pain FAMILIAL et son abri en respectant les méthodes et les dimensions d’il y a deux cents ans tout en utilisant les matériaux de cette époque, sachant que les matériaux utilisés étaient locaux par manque de moyens de transport. Aujourd’hui, nous conservons toujours le même principe, mais cette fois pour réduire l’impact de notre projet sur l’environnement.
Toute cette démarche est mise en place pour laisser à nos enfants et à nos petits-enfants un petit patrimoine bâti très représentatif du mode de vie qu’avaient nos ancêtres jadis.
Descriptif :
Four à pain avec cul du four et sa toiture ronds. Murs en pierres et toit en ardoises.
Abri à l’avant du four avec murs en pierres et bois, toit en ardoises.
La forme du four est inspirée par celle d’un four situé à Escourbanier commune de Monceaux-sur-Dordogne.
Les matériaux de l’abri sont identiques à un four qui se trouvait dans le village de Chauvignac commune de Saint-Pardoux-l’Ortigier.
La différence d’épaisseur entre le soubassement en pierres et le bas du mur en bois nous permet d’avoir un rebord à l’intérieur de l’abri pouvant servir de banc comme c’est le cas dans le bâtiment du four communal de Brochat, commune d’Allassac.
Matériaux utilisés et provenance:
Pierres, bois, ardoises, terre glaise : Allassac
Sable ou tuf : Le Bigeardel, commune de Perpezac-le-Noir
Briques réfractaires : four démoli à Chauvignac, commune de Saint-Pardoux-l’Ortigier.
Soles de four et briques de cheminée : Séreilhac (Haute Vienne)
Chaux : Saint-Astier (Dordogne)
Laine de mouton : Saint-Pierre-Roches (Puy-de-Dôme).
Implantation :
Cette implantation est prévue à la place d’une vieille cabane en ruine.
Sur cet emplacement se trouve aussi un puits, dont la rénovation se fera à la suite du four.
Ce remplacement de la cabane par un four à pain à côté du puits sur un espace réduit a pour but de regrouper deux éléments de notre petit patrimoine Corrézien qui étaient jadis indispensables à nos ancêtres. En effet ces deux unités symboliques amenaient tous les jours l’eau et le pain sur la table. »
Maintenant que je suis rassuré, je peux continuer mes travaux, que je n’avais pas tellement arrêtés d’ailleurs !
Ceci dit, cette histoire m’a tout de même marqué, dans le sens où j’ai vainement essayé de comprendre pourquoi on en est arrivé là dans les relations entre les élus d’une commune rurale et leurs administrés…
Pour ma part, et étant encore une fois « jusqu’au-boutiste », je me suis bien fait la promesse de ne plus discuter avec ces élus (quels qu’ils soient) qui oublient qui sont leurs électeurs, et de plus mettre les pieds dans leur mairie. Je suis manifestement bien trop « con » pour côtoyer ces gens-là.
Aujourd’hui, et « c’est tendance » :tout le monde se vente farouchement de défendre notre patrimoine. Mais au juste… C’est quoi notre patrimoine ?! Si l’on se contente de parler du patrimoine bâti, c’est bien certes, mais ça n’est absolument pas suffisant ! Qu’est le patrimoine sans les hommes qui l’ont fait naître et vivre ?!
On ne peut pas restaurer un moulin sans s’intéresser à la vie du meunier.
On ne peut pas restaurer un village sans s’intéresser à la vie de nos ancêtres, voire à l’origine de leur nom ou surnom, sans oublier celle du nom du village.
D’insipides numéros ont remplacé les noms et ont détruit cette partie de notre patrimoine. C’est ainsi qu’on n’habite plus en Corrèze mais dans le 19, parfois même dans le 1-9!!! Quelqu’un peut-il me dire comment s’appellent les habitants du 19 ? Les « dix-neuviens » peut-être ?! Quant aux trois vaches de mon grand-père, si elles vivaient aujourd’hui, elles ne s’appelleraient plus Banou, Fauvette et Rouge, mais 38, 144 et 259…
J’ai personnellement un point commun avec un ancien Président de la République : nos noms respectifs sont aussi des noms de villages corréziens. Et il en va de même pour mes petits-enfants : Anaïs partage son nom de famille avec celui d’un village de la commune de Sadroc, là où habitent ses grands-parents paternels (donc même nom). Quant à Samuel, même remarque que pour Anaïs, mais cette fois-ci à Perpezac-le-Noir, commune dans laquelle il réside.
Si vous prenez le temps de lire votre carte d’identité, vous vous apercevrez que le premier renseignement vous concernant est un numéro, votre nom n’arrivant qu’en deuxième position…
Tous ces noms, ces patronymes (l’étymologie de ce mot n’est pas due au hasard : signifie en grec « nom du père ») ne veulent plus rien dire à personne et notre nouvelle identité n’est qu’un numéro. Quoi de plus impersonnel qu’un numéro ?! Est-ce à dire que les élus de communes rurales ne connaissent plus leurs administrés que sous des numéros ? Et que lorsqu’un problème surgit, ils ne peuvent plus s’adresser directement à Mr ou Mme Dupont ou Durand, mais préfèrent appliquer la procédure n°—… ?
Ayant désormais le feu vert des autorités locales, je peux continuer à poser mes chevrons, à « sobrouna » comme auraient dit mes grands-pères ou même mon père.
Je forme donc une équipe parmi les bâtisseurs habituels. Ce jour-là, ce sont Fred, Franck et Thierry qui, tôt le matin, me rejoignent autour du four. La journée commence néanmoins par un casse-croûte (il faut bien prendre des forces !) ; puis tous les quatre, nous mettons en place les chevrons.
Le travail ayant été préparé en amont, la tâche avance vite et nous avons terminé avant midi !
Avant de quitter le chantier, nous n’oublions pas de décorer la charpente avec les traditionnels bouquet et drapeau. Pour la photo, il me faut impérativement Anaïs et Samuel !
La veille, j’avais pris soin de faire une fournée de pain, et, tout en travaillant ce matin-là, j’ai réchauffé le four pour y faire cuire deux bons gros plats de tomates, courgettes et pommes de terre farcies (provenant de mon jardin bien sûr) préparées par Françoise.
Notre travail terminé et notre plat principal du jour cuit, nous avons tous les ingrédients pour passer à table ! Ce que vous faisons d’ailleurs rapidement… Nous commençons par une boisson gazeuse bien connue et idéale pour arroser la « lève » (opération de mise en place de toute la charpente). Puis, une nouvelle fois, nous apprécions les qualités gustatives de nos produits cuits dans ce four vagabond ressuscité, tout en discutant des travaux à venir.
Traditionnellement, ce repas de « lève » se faisait chez le propriétaire du nouveau bâtiment. Une fois n’est pas coutume, ce jour-là, c’est sur la terrasse de Mado que nous nous installons. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être pour faciliter la sieste d’Alicia, mais peut-être bien aussi grâce à cet esprit d’équipe et de famille qui s’est niché petit à petit autour de ce four… Ou peut-être tout simplement parce que, de cet endroit, nous voyons très bien le four ! Mais peu importe le lieu, pourvu que nous y soyons ensemble…
Avant d’attaquer le toit, j’installe les fils électriques nécessaires à l’alimentation de l’éclairage, fils que j’intègre dans les pannes de la charpente.
Les ampoules étant directement mises dans le bois, je suis obligé de prendre des lampes à LED basse tension qui ont l’avantage de très peu chauffer.
Là, je déroge avec tristesse à mon principe qui consiste à n’utiliser que des produits locaux : ces lampes viennent… d’Allemagne ! Cet achat me contrarie un peu mais, malgré mes recherches, je n’ai rien trouvé d’autre.
Il me faut aussi prévoir dans les pannes un espace permettant de loger assez de fil pour pouvoir sortir ces ampoules lorsqu’il faudra les changer dans les années 2040 (elles sont en effet garanties trente ans).
Il me paraît évident que ce ne sera pas moi qui les changerai, mais j’anticipe, car je ne veux pas qu’Anaïs, Samuel et Compagnie soient embêtés suite à des négligences de ma part !
Petite astuce pour limiter cet espace : j’utilise de petits pots individuels (vides !) de compote de pommes (pommes et pots très certainement farcis de produits chimiques, mais bon…) que je fixe à l’endroit d’arrivée du fil de la lampe. Ainsi, cet espace restera disponible même après avoir mis en place la laine de mouton.
Malgré toutes les remarques qui me sont faites, plus ou moins ironiques, me disant, par exemple, que, vu la section des bois, ma charpente emmènerait le diable à la messe (…), je dois m’assurer de l’immobilisation des éléments entre eux. En effet, la solidité d’une charpente ne dépend pas uniquement de la section des bois, mais il faut également que l’ensemble soit indéformable. Les anciens charpentiers le faisaient par expérience ; moi j’ai eu la bonne idée de ne pas dormir pendant les cours de géométrie du lycée et je me souviens y avoir appris que le triangle est la seule figure géométrique indéformable. Pour en arriver là, il faut que les éléments de cette charpente forment entre eux des triangles. La théorie rejoignant la pratique, il ne faut pas hésiter : je dois trianguler ma charpente !
Je dois donc me débrouiller pour que les éléments de cette charpente forment entre eux des triangles. Pour cela, je vais au plus simple : j’encastre et fixe un fer cornière en travers sur les chevrons. J’ai formé ainsi les fameux triangles qui bloquent toute déformation.
Si Ricou et mon père avaient vu cette solution, ils en auraient fait une drôle de tête ! Je leur aurais alors expliqué qu’une fois tout terminé, cette cornière ne se verrait plus… Mais ils n’auraient pas manqué de se mettre d’accord pour clamer que les jeunes ne savent plus travailler et auraient quitté le chantier en bougonnant, se dirigeant d’un même pas vers chez « La Lucette », histoire de poursuivre leur conversation autour d’un verre… Là, ils auraient rencontré Jeannot le forgeron et auraient ironisé en lui expliquant, sourire en coin, que lui, le forgeron, il avait un métier d’avenir car ils venaient de voir une charpente en bois terminée avec de la ferraille ! « Ah lo droles…Sont bê vêches vejê ! »
Je considère désormais que ma charpente est terminée et je peux maintenant commencer le toit.
4 commentaires